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Pour une histoire des eaux

« Mais le poète plus profond trouve l’eau vivace, l’eau qui renaît de soi, l’eau qui ne change pas, l’eau qui marque de son signe ineffable ses images, l’eau qui est un organe du monde, un aliment des phénomènes coulants, l’élément végétant, l’élément lustrant, le corps des larmes… »
L’Eau et les rêves, de Gaston Bachelard

Chez Comme des tisanes, nous nous inspirons des histoires des plantes médicinales et de leurs préparations pour formuler des infusions créatives et développer nos propres histoires. Parmi toutes ces histoires, nous nous intéressons aux histoires de l’eau, de l’eau qui hydrate, qui rafraîchit, qui réchauffe, qui fait infuser thés et tisanes…

Dans l’histoire de la médecine, nous avions bien remarqué que l’eau avait ses propres vertus… Les manuscrits du Tacuinum Sanitatis, traduit de l’ouvrage arabe Taqwim al‑Sihha à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, réservent de nombreux folios aux différentes caractéristiques de l’eau. Eaux de sources, eaux salées, eaux chaudes, eaux de pluie… Toutes avaient leurs bienfaits et leurs désavantages qui avaient leurs propres remèdes. Cela dit, on préférait les eaux claires, mouvantes plutôt que stagnantes.
Par exemple, dans la traduction en français moderne d’un Tacuinum Sanitatis par Claude Thomasset et Daniel Poirion, il est possible de lire pour l’eau de pluie :

«  Nature : froide et humide au quatrième degré. Sélection : celle qui est recueillie dans une bonne terre. Utilité : bonne contre la toux et les matières durcies. Inconvénients : elle donne une voix rauque si elle a été souillée. Remède : la chauffer. Effets : fait transpirer. Convient particulièrement à toutes les complexions et tous les âges, en toute saison et toute région. »

 

Eau de pluie dans le Tacuinum Sanitatis

Eau de pluie dans le Tacuinum Sanitatis

« L’eau tranquille m’attire où je me tends mes bras :
À ce vertige pur je ne résiste pas. »
« Cantate de Narcisse », Mélange, de Paul Valéry

L’eau en tant que remède médicinal est utilisée simplement ou entre dans des compositions comme des décoctions ou des tisanes, mais aussi dans des bouillons. Elle a permis toute une déclinaison d’eaux distillées qui ont eu beaucoup de succès, telles que l’eau céleste, l’eau de magnanimité ou encore l’aqua ardens, que nous connaissons mieux aujourd’hui sous le nom d’alcool.

L’eau est une source de symboles et d’histoires qui a inspiré de multiples artistes. Le Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier propose un article sur l’eau et présente les trois principaux symboles de l’élément qui seraient une « source de vie », un « moyen de purification » et un « centre de régénérescence ».

L’eau peut être un instrument de purification rituelle, le symbole de la sagesse taoïste ou encore signe de bénédiction dans certaines religions. L’eau, souvent considérée comme un élément primordial voire universel, s’inscrit dans la vie spirituelle. En effet, l’ouvrage de Jean Chevalier insiste sur le symbole cosmogonique de l’eau, liquide de santé et de salut : « c’est parce qu’elle purifie, guérit, rajeunit qu’elle introduit dans l’éternel ». Il semblerait alors que l’observation et l’expérience des propriétés des eaux aient suscité le développement de symboles et de mythes qui auraient contribué à l’invention de vertus magiques et parfois divines qui nous laisse songeurs…

Approvisionnement en eau douce dans le Tacuinum Sanitatis

Approvisionnement en eau douce dans le Tacuinum Sanitatis

« Tout près du lac filtre une source,
Entre deux pierres, dans un coin ;
Allègrement l’eau prend sa course
Comme pour s’en aller bien loin. »

« La Source », Théophile Gauthier

Nous préférons bien sûr l’eau bouillante traditionnellement utilisée pour l’infusion des plantes, mais nous proposons aussi des recettes de tisanes glacées savoureuses avec de l’eau de source gazeuse qui font pétiller les journées torrides !

Bibliographie :
Art de vivre au Moyen Âge, édité par Daniel Poirion et Claude Thomasset, à partir du codex Vindobonensis series nova 2644 conservé à la Bibliothèque nationale d’Autriche, Paris, P. Lebaud, 1995, 326 p.
BACHELARD (Gaston), L’Eau et les rêves. Essai sur l’imaginaire de la matière, Paris, Librairie José Corti, 1980, 265p.
BENEZET (Jean-Pierre), Pharmacie et médicaments en Méditerranée occidentale (XIIIe-XVIe siècles), préface de Jean Flahaut, Paris, Honoré Champion, 1999, 795 p.
Dictionnaire des symboles : mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres , dirigé par Jean Chevalier, Paris, R. Laffont, Jupiter, DL 2005, XXXII-1060 p.